D’origine haïtienne, Mélissa Laveaux revisite l’extraordinaire patrimoine musical de la terre natale de ses parents. Un épisode particulier l’intéresse : l’occupation de l’île par les États-Unis de 1915 à 1934. Sombre période, qui vit la première République noire – celle qui s’était affranchie de l’esclavage et avait arraché son indépendance – vivre les affres de la colonisation.
Le voile singulier de la voix de Mélissa Laveaux, son jeu de guitare et son énergie rock réveillent ces chants populaires de résistance recréés à partir de bribes, de phrases, d’airs anciens, d’hymnes vaudous, assemblés comme un patchwork identitaire au gré de son imaginaire. Les rythmes caribéens sont mêlés à une modernité pop rock indé, un son qui joue sur la réverb un peu sale de guitares vintage.
Songwriter trilingue, elle chante pour la première fois l’intégralité du répertoire en créole.
Présentation
Avril 2016. Mélissa Laveaux part pour Haïti. Vingt ans qu’elle n’y a pas remis les pieds. La voilà donc, femme, musicienne, étrangère à ce pays qui fait pourtant partie d’elle et de son histoire. De Haïti, elle ne connaît que les expressions créoles imagées que sa mère échange au téléphone avec ses tantes, lorsqu’elles se racontent les zins, les derniers potins. Mais surtout, ce qui la lie à cette terre, ce sont les chants de Martha Jean-Claude, qui, exilée à Cuba dans les années 1950, chantait la Haïti chérie qu’elle avait dû fuir. Comme le feront plus tard les parents de Mélissa pour s’installer au Canada. Les disques de Martha Jean-Claude ont bercé l’enfance de leur fille, dans le froid d’Ottawa. Cette voix, la petite la connaît depuis toujours et la suit encore lorsqu’elle explore, des années après, les rues de Port-au-Prince. Elle y cherche les échos d’un extraordinaire patrimoine, celui des chants folkloriques qui, depuis des décennies, nourrissent les artistes haïtiens. Ces morceaux de poésie populaire, qui tissent les métaphores et jonglent avec le double sens, renferment l’identité d’un peuple dont la résistance est la seconde nature. Souvent anonymes, ils sont nés dans les Bann’ Siwèl, les orchestres de troubadours champêtres qui les colportaient au gré des fêtes de village.
Pour Mélissa, Haïti était comme cette voix sortie d’une radio dont le signal se brouille avant de revenir, ne livrant à l’auditeur que quelques mots épars, mais lui laissant, du même coup, la liberté d’inventer ceux qui manquent. À partir des racines, elle a choisi les branches et les feuilles de l’arbre qu’elle continue de faire pousser. Son arbre donne des petites prunes, qu’en Haïti on appelle sirouelles ou Siwèl en créole.